La Bretagne, terre de légendes et de traditions maritimes, est intimement liée à ses poissons migrateurs. Du majestueux saumon atlantique à la discrète anguille européenne, en passant par la grande alose, la lamproie marine et la truite de mer, ces espèces qui naviguent entre eau douce et eau salée font partie intégrante de notre patrimoine naturel et culturel. Pourtant, ce trésor vivant est aujourd’hui gravement menacé, confronté à un déclin qui nous concerne tous.

Un constat alarmant

Le déclin généralisé des populations

Les chiffres font froid dans le dos. À l’échelle mondiale, les populations de poissons migrateurs ont chuté de 76% entre 1970 et 2016, selon une étude de la Fondation 30 Millions d’Amis. En Europe, la situation est encore plus critique, avec un effondrement de 93%. La Bretagne, malgré la beauté de ses côtes et de ses rivières, n’échappe malheureusement pas à cette triste réalité.

La situation en Bretagne

Les données recueillies par l’Observatoire des poissons migrateurs en Bretagne sont plus que préoccupantes. En 2023, à peine 643 saumons atlantiques ont été comptabilisés dans les trois stations de suivi de la région. Un chiffre dérisoire comparé à la moyenne de 1 839 individus observés au cours des 15 années précédentes. L’abondance des jeunes saumons a également dégringolé, passant d’une moyenne de 31,2 entre 2014 et 2023 à seulement 11,4 en 2024. Face à cette urgence, le Comité de gestion des poissons migrateurs de Bretagne (COGEPOMI) a pris une mesure radicale : l’interdiction totale de la pêche du saumon et de la truite de mer sur tout le territoire régional dès 2025, comme le rapporte le journal Libération.

Les causes d’un désastre annoncé

Des rivières morcelées

Nos rivières bretonnes, autrefois voies royales pour les poissons migrateurs, sont aujourd’hui parsemées d’obstacles. Barrages, seuils et écluses fragmentent les cours d’eau, empêchant les poissons d’atteindre leurs zones de reproduction. On estime à 1,2 million le nombre de ces barrages en Europe. L’Aulne, dans le Finistère, est un exemple frappant avec ses 28 écluses qui entravent la migration du saumon, comme le souligne actu.fr.

Le fardeau du changement climatique

Le changement climatique n’épargne pas nos poissons migrateurs. L’élévation des températures de l’eau perturbe leur cycle de vie, affectant leur reproduction, leurs migrations et, au final, leur survie. Les sécheresses plus intenses et les crues plus violentes dégradent leurs habitats et compliquent leurs déplacements.

La qualité de l’eau en question

La qualité de l’eau est vitale pour la survie des poissons migrateurs. Les pollutions agricoles (pesticides, nitrates), industrielles (rejets toxiques) et domestiques (eaux usées) les affectent directement. La présence de microplastiques, une menace insidieuse, est de plus en plus préoccupante. La salinisation des eaux douces, due à l’intrusion d’eau de mer, modifie également leur environnement.

Autres menaces

La surpêche, bien que réglementée, continue de peser sur les stocks. L’introduction d’espèces invasives déséquilibre les écosystèmes. L’anguille européenne, classée “en danger critique d’extinction” par l’UICN, illustre tragiquement cette situation. Elle est victime de la surpêche, du braconnage, de la pollution, d’un parasite et de la destruction de son habitat, comme le détaille actu.fr.

Agir pour sauver notre patrimoine

Rendre aux rivières leur liberté

Rétablir la continuité écologique des cours d’eau est une priorité absolue. Cela signifie supprimer ou aménager les obstacles qui entravent la circulation des poissons. Sur l’Aulne, la gestion des vannes de cinq barrages a été adaptée pendant six ans pour faciliter le passage des saumons, des aloses et des lamproies, comme le montre Veille Eau. Des initiatives similaires sont menées sur les affluents pour la truite fario. Sur le Blavet, des actions sont entreprises pour contrer les projets de microcentrales, qui menacent le saumon atlantique. Bretagne Grands Migrateurs, en collaboration avec les acteurs locaux, joue un rôle moteur dans ces efforts de restauration.

Des règles et un suivi scientifique

La réglementation de la pêche est un outil indispensable. En Bretagne, des arrêtés préfectoraux encadrent la pêche des poissons migrateurs en eau douce. Ils fixent notamment des Totaux Autorisés de Captures (TAC) pour le saumon, validés par le COGEPOMI (Comité de Gestion des Poissons Migrateurs). Une consultation publique a également été lancée pour renforcer la réglementation de la pêche maritime et en estuaire, comme l’indique le site de la préfecture de Bretagne. L’Observatoire des poissons migrateurs, piloté par Bretagne Grands Migrateurs, assure un suivi scientifique rigoureux, indispensable pour ajuster les mesures de gestion.

L’exemple de l’anguille

L’anguille européenne, avec son incroyable migration de 12 000 km, mérite une attention toute particulière. Bretagne Grands Migrateurs met en œuvre des actions ciblées, comme la restauration de la continuité écologique de l’Étang de Saint-Jean, un site Natura 2000. Les premiers résultats après travaux montrent une augmentation notable de la présence d’anguilles, prouvant l’efficacité de ces actions, comme l’explique l’Agence Bretonne de la Biodiversité.

Le rôle clé de Bretagne Grands Migrateurs

Créée en 1995, Bretagne Grands Migrateurs est une association essentielle qui œuvre pour la connaissance et la préservation des poissons migrateurs en Bretagne. Elle fédère les acteurs de la pêche de loisir, les chercheurs, les gestionnaires d’espaces naturels, les collectivités et l’État. Son rôle est crucial dans la restauration et la gestion des populations de poissons migrateurs et de leurs habitats. L’association coordonne notamment l’Observatoire des poissons migrateurs.

Un avenir en suspens, une mobilisation indispensable

L’avenir des poissons migrateurs de Bretagne est plus qu’incertain. La situation critique, illustrée par l’interdiction de la pêche du saumon et de la truite de mer, exige une mobilisation de tous. Chacun peut agir, à son niveau.

Que faire en tant que citoyen ?

Soutenez les associations qui œuvrent pour la protection des poissons migrateurs et de l’environnement. Adoptez des pratiques de pêche respectueuses des règles. Limitez votre impact sur l’environnement en réduisant votre consommation d’eau et en évitant les produits chimiques polluants.

L’appel aux décideurs

Il est urgent de renforcer la réglementation pour protéger les poissons migrateurs et leurs habitats. Il faut investir dans la restauration écologique des cours d’eau et des zones humides. Il est indispensable de soutenir la recherche scientifique sur ces espèces et sur les impacts du changement climatique. Des politiques ambitieuses de lutte contre la pollution doivent être mises en place.

Organisations: l’importance de la collaboration

La collaboration entre les organisations est essentielle pour mener à bien des projets de restauration et de conservation. Le partage des données et des connaissances est crucial pour améliorer la gestion de ces espèces. La sensibilisation du public à l’importance de préserver ce patrimoine naturel est une mission prioritaire. La sauvegarde des poissons migrateurs, symboles de la Bretagne, est un défi immense. Il en va de la préservation de notre biodiversité, mais aussi de l’âme d’une région si profondément liée à ses rivières et à l’océan.